Jorge Canete, Concise

Jorge Canete, Concise

A Concises, loin de la commotion et du bruit de la ville, Jorge Canete a posé ses valises, presque au milieu des champs, entre les murs d’une ancienne Chartreuse. Chevaux et vaches pâturent paisiblement dans la prairie qui entoure le domaine de la Lance. Le site offre un terrain de jeu idéal à l’architecte d’intérieur qui y exprime son inimitable style avec grand talent, tout en nous offrant une véritable leçon de déco iconoclaste. « Un lieu, comme un être humain, renferme ses mystères et à sa propre personnalité. La Chartreuse de la Lance, se pare d’une histoire particulière qui remonte au XIVème siècle et renferme bien des secrets. On ne sait pas avec exactitude combien de moines y ont séjourné, mais ce qui est certain, c’est l’intensité spirituelle qui y régna. » Raconte Jorge. Une fois de plus il s’inspire de l’histoire du site et crée un espace mystérieux, parsemé de secrets, autour de l’élément central du projet; la Chartreuse. La collection d’art et de design de Jorge révèle une sensibilité et des goûts personnels qui sont bien sûr le fruit de ses propres expériences, rencontres et voyages, mais aussi le poids de son héritage culturel espagnol. C’est ainsi qu’il imagine poétiquement que Les moines qui furent chassés de la Chartreuse de la Lance en 1538 rejoignent la Cartuja de Sevilla. Jorge Canete conçoit les chantiers comme des scénarios ; chaque meuble, accessoire, étoffes sont soigneusement choisis, leur emplacement mûrement réfléchi, rien n’est disposé au hasard. Au fil de la visite on découvre le projet comme on tournerait les pages d’un livre. Une atmosphère céleste pénètre par les fenêtres, l’éclairage change toutes les minutes. Partout des luminaires très contemporains, à l’éclairage parfois cru, sont adoucis par la luminosité des bougies.

La vue sur les arbres séculaires du parc et sur le vignoble est envoutante. Le grand hall d’entrée, qui juxtapose la cuisine, fait office de salle à manger. Jorge a créé un lieu qui se métamorphose à volonté et donne à ses hôtes l’illusion d’être au sein de la Chartreuse; des voilages sur lesquels sont imprimés une image 1 :1 des arcades du cloître peuvent encercler la table, fermant ainsi complètement l’espace, le résultat est bluffant. Au mur, derrière la table recouverte de grands chandeliers, dans une recherche virtuelle et très contemporaine de Dieu, God remplace le logo Google, sur une photo tirée de la collection du musée d’art contemporain andalous (CAAC). Un insolent mélange d’époques, une belle continuité dans les contrastes et les collisions si chers à l’artiste. Le vaste salon s’oppose à l’austérité de l’entrée; des couleurs chatoyantes, inspirées du travail du peintre Zurbaran. « Ce peintre du siècle d’or espagnol est au coeur de ce projet» explique Jorge « On qualifie parfois Zurbaran le peintre du mysticisme, tant les sujets qu’il a dépeint semblent habités. Sa vie résume bien le voyage que je propose à travers ce nouveau travail : une route qui conduit de l’Extremadura à Sevilla. En effet, il est né en 1598 dans un village pauvre près Badajoz dans la province d’Extremadura et fut envoyé à Sevilla pour apprendre son métier de peintre. » Des miroirs aux dorures étincelantes, un lustre qui semble s’être écrasé sur le sol, des tapis veloutés dont certains sont édités par le studio du designer. Les fastes baroques et décadents de l’époque répondent à la modestie de la terre nourricière. Les hirondelles que l’on rencontre dans toute la maison font figure d’effigie de cette abnégation.  « Les hirondelles sont le symbole de l’humilité, de l’élévation spirituelle et de la résurrection. Elles fascinent car elles ne se posent jamais sur la terre, ce qui fait d’elles des créatures pures et angéliques. » Explique Jorge. A l’étage, dans un bureau d’une grande sobriété, une ancienne carte postale du domaine de la Lance a été agrandie et devant elle un luminaire à la silhouette monacale semble lui rendre hommage. A l’embrasure de la porte une tenue de moine est suspendue, disposées sur quatre portes, quatre lettres retenues par des plumes blanches ; elles sont là pour rappeler cette restriction : « les chartreux ne pouvaient guère correspondre, on dit que seul l’envoi de quatre lettres par an était autorisé.» Le décor de la chambre à coucher, entièrement réalisé dans des tons monochromes de blanc et de gris, avec son lit monté sur deux plaques de verre, le tout emblématique de l’apaisement et de la sérénité. Enfin un escalier en fer forgé mène au studio sous la charpente du toit, où avec toute l’équipe de Interior Design Philosophy, Jorge Canete échafaude de nouveaux projets. Le studio a fêté ses 10 ans. L’architecte d’intérieur a gagné de nombreux prix à Londres, aux USA, à Paris… il a reçu entre autre le prestigieux award Andrew Martin du meilleur designer international de l’année en 2014. Dans le caveau vouté, une grande table a été édifiée en utilisant d’ancien tamis en bois, servant traditionnellement à séparer le blé de la paille. Des amphores antiques en terre cuite, provenant de la région de Trujillo en Extremadura, viennent compléter le tableau. Tout en gardant une ligne bien établie, Jorge Canete prend un nouveau départ au domaine de la Lance qui, terre d’inspiration au riche passé, sans aucun doute lui sera faste.

Jorge Canete

Ton dernier coup de cœur ?

Le webmagazine « L’œil de links » sur Canal +. Un panorama artistique très inspirant.

 D’où vient ton amour de la lumière ?

C’est un élément intemporel qui amène de la poésie à un intérieur, mais lumière ne doit être que l’éloge de l’ombre…

Ta première émotion visuelle ?

Mon voyage au Japon il y près de 20 ans. Je ne m’en suis toujours pas remis !

 Lorsque l’on parle de ton travail c’est souvent le mot poésie qui revient…

C’est l’envie de faire rêver, de montrer qu’un intérieur peut cacher des secrets à découvrir avec le temps. Ces éléments poétiques sont des fenêtres vers la rêverie.

Est-il facile de travailler avec toi ?

Cela dépend pour qui ! (rires) Je suis très exigeant avec mon équipe car il y a toujours un souci d’excellence. Pour le client, c’est sans doute facile car mon rôle est celui du miroir : réfléchir ses émotions…

Quels sont tes autres projets en cours ?

Des chalets dans les Alpes, une belle maison sur le lac Léman,  les bureaux d’une fondation caritative, une collection de tapis philosophiques, un nouvel espace d’exposition pour promouvoir des artistes contemporains dans un lieu particulier, un projet de livre…

La dernière fois que tu as craqué…

Ce matin pour une boîte de chocolats suisses artisanaux !