A la croisée des mers Adriatique et Tyrrhénniene, au fin fond de l’Italie, le village de Castrignano del Capo est la commune la plus méridionale des Pouilles, située à quelques kilomètres seulement de la pointe du talon de la botte. Au centre de ce village de 5000 âmes dans la province de Lecce se niche cette grande maison d’architecte. Créé à partir de plusieurs petites unités d’habitation qui hébergeaient probablement une communauté unie par des liens de parenté, l’ensemble conserve les éléments d’origine du hameau datant du XIXe siècle. Les unités individuelles indépendantes ont été transformées et regroupées pour devenir une unique grande maison familiale. Outre la rénovation des modules anciens, de nouveaux éléments ont été construits pour compléter la structure originelle. Parfaitement intégrés, le neuf et l’ancien se fondent harmonieusement grâce au travail respectueux d’Isabelle Valazza Vallet, architecte installée à Lausanne et auteur du projet complet de rénovation et restructuration.
Texte Patricia Lunghi





































Acquis en 2014, l’ensemble a été entièrement repensé par l’architecte qui a réussi à préserver son authenticité tout en y apportant de profondes modifications. Afin d’accueillir toute la famille, la maison est composée de quatre grandes chambres indépendantes avec salles de bain, une pièce en mezzanine et un petit atelier qu’Isabelle utilisait pour peindre et travailler. Le tout desservi par un patio central à ciel ouvert, protégé par des brise-soleils en châtaignier. Cette cour commune accueille une cuisine d’extérieur avec une grande table conviviale en olivier faite sur mesure, elle jouxte la piscine et le jardin auxquels accèdent directement les chambres de plein pied.
Naturellement fraîche grâce à ses murs épais et ses plafonds en voûtes, la maison se déploie sur divers niveaux offrant des points de vue panoramiques à 360 degrés. Les toits-terrasses offrent de beaux dégagements sur la ville et sur les architectures caractéristiques de cette région riche en histoire. A l’horizon on aperçoit les scintillements de la mer située à une dizaine de minutes en voiture. Adepte de méditation, Isabelle a créé un deck en iroko surplombant la maison, idéal pour pratiquer le yoga, contempler le ciel ou siroter un apéro. Les toits des maisons environnantes déploient leurs entrelacs d’aplats blancs, gris et beiges, dans un camaïeu nuancé en pierres brutes. Ouverte sur le ciel mais fortement ancrée au sol, la propriété est délimitée par des murs qui créent un univers caché et secret.
Rénover avec l’âme du Salento
Presque huit ans de travaux ont été nécessaires pour mener à bien la construction de nouveaux habitacles, de l’isolation, l’installation d’une pompe à chaleur pour la climatisation et de panneaux solaires pour l’eau chaude. Les poutres ont été renforcées et les murs blanchis à la chaux, comme c’est l’usage dans cette région. L’ouverture du mur entre les deux pièces du corps central a permis de créer un seul grand volume dont une cuisine et un salon aux belles voûtes en étoile typiques de la région. Pour ne pas toucher aux façades historiques, toute l’isolation a été faite par l’intérieur avec du chanvre naturel. Afin de respecter au maximum l’existant et n’utiliser que des techniques et des matériaux locaux, les sols ont été refaits en « cocciopesto », une méthode ancestrale typique du Salento qui mélange chaux et pierres concassées sur une épaisseur de 30cm ! Témoignant de son amour pour cette région, Isabelle Valazza Vallet a mis en avant les savoir-faire artisanaux, tout en dotant la maison de tous les équipements modernes.
Aménagements sur mesure
Après le gros œuvre, l’architecte a étroitement collaboré avec le menuisier Luigi Barba, dit Gigi, qui a supervisé les travaux avec les entreprises locales, tandis qu’Isabelle faisait les aller-retours entre la Suisse et l’Italie. On doit à Gigi la réalisation des meubles, des cadres des fenêtres, des tables, des portes en olivier et même des poignées de portes, le tout sur mesure selon les dessins d’Isabelle. Affaiblie par une grave maladie, l’architecte a pu mener à bien son projet de vie grâce à l’aide de Gigi.
Ici chaque chambre est pensée comme une dépendance ou une annexe du corps principal formé par la cuisine et le salon, laissant ainsi liberté et intimité aux occupants. Floutant les frontières entre l’ancien et le contemporain, ces différents modules indépendants créent un paysage dans le paysage. Un monde à part dont les espaces privatifs offrent une hospitalité raffinée. Bien qu’Isabelle n’ait pas eu le temps de terminer la décoration de la maison, son style à la fois minimaliste et sophistiqué dégage une saveur méditerranéenne qui privilégie les couleurs et les matériaux naturels, comme en témoigne l’omniprésence de la pierre locale blanchie à la chaux ou les grands pots terracotta de plantes grasses qu’elle a dessinés. Dans les chambres quasi monacales, le blanc s’allie aux teintes douces des textiles, draps, linges et tapis. Le mobilier est simple et bien pensé. Beaucoup d’éléments sur mesure mélangés aux meubles de la marque Plinio Il Giovane, comme les dressings ouverts et les penderies en bois naturel. Les étagères de la cuisine et des salles de bain ont été réalisées par Gigi sur dessin d’Isabelle. Quelques éléments anciens apportent à la déco un charme ethnique comme les masques primitifs africains ou les grands paniers en jonc patinés, utilisés autrefois par les pêcheurs locaux et transformés en luminaires.
Isabelle Valazza Vallet a réussi à insuffler paix et sérénité à ce lieu devenu une oasis de ressourcement lors de ses séjours prolongés. Désormais, pour son mari et ses enfants, cette maison de cœur constitue bien plus qu’une simple destination de vacances, c’est à la fois un refuge, un sanctuaire dont chaque détail rappelle des souvenirs, un havre de paix après des années de souffrance et de maladie. Rarement la vie et l’œuvre d’un être ont été aussi étroitement imbriquées et enlacées.

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