Carmen et Luc, Genève

Carmen et Luc, Genève

Carmen et Luc habitent dans un grand duplex très lumineux. Le quartier de Saint Jean domine le Rhône, la vue sur le Salève est splendide. Je suis accueillie par leurs deux filles, Nina Lou et Zoe Paloma, pétillantes et souriantes tout comme leur maman ! Luc est cinéaste et producteur et Carmen suit une formation d’architecte d’intérieur. Pour l’instant, elle exerce sa passion et son grand talent chez elle et fait du coaching déco pour son entourage. L’appartement est soigneusement et artistiquement décoré, un métissage de design danois et américain avec une nette touche asiatique, pièces vintage venant principalement de Chine, du Japon et d’Inde. Ils ont une belle collection d’art et de sculptures, là aussi un mélange d’œuvres d’art moderne, héritées des parents de Luc, de coups de cœur, des travaux de leurs nombreux amis artistes, de souvenirs… Beaucoup d’idées, beaucoup d’émotion et de délicatesse, des fleurs et des plantes dans toutes les pièces. Le balcon est leur mini jardin ; table, banquettes, herbes aromatiques, un petit paradis en pleine ville. A midi c’est à l’italienne, Carmen vient du sud, la table est recouverte d’un véritable festin et on se régale !

Carmen et Luc


Quand a été construit l’immeuble et depuis combien de temps y habitez-vous ?


l’immeuble date du début du XXè siècle. je m’y suis installée dès mon arrivée à Genève, il y a une quinzaine d’années. Luc y habitait depuis déjà quelques années.


Parlez-nous un peu du quartier de Saint Jean et des avantages à vivre en ville ?


Le quartier de St-Jean a beaucoup évolué. Il y a une dizaine d’années, de jeunes parents sont venus s’y installer, suivis par des jeunes couples. Peu de temps après, une galerie d’art contemporain y a élu domicile, remplacée récemment par un espace d’art rattaché à la Head. Depuis 2 ans, le Rhône, qui longe en partie le quartier de St-Jean, s’est doté de pontons de baignade, ce qui a fait connaître ce coin de ville à ceux qui n’y venaient jamais. Mais rien ne va très vite par ici, les commerçants ne semblent pas pressés de s’y installer et c’est tant mieux. Pour l’instant, c’est la nature qui est reine…et c’est ce qu’on aime!


Vous avez fait beaucoup de transformations ; racontez quelques étapes qui vous tiennent spécialement à cœur ?


De retour d’un séjour à New York, nous n’avions qu’une envie: vivre dans un loft. Lorsque nous avons eu l’opportunité d’emménager dans cet appartement, nous avons décidé de supprimer un certain nombre de murs et/ou cloisons pour ouvrir les espaces et rendre la circulation plus fluide. Puis, nous avons choisi de mixer des éléments architecturaux anciens et contemporains, car les lieux semblaient s’y prêter. Au final, les portes et les murs ont laissé place à de beaux espaces ouverts et à des jeux de lumières inattendus. Ces rénovations n’ont rien enlevé au charme des moulures anciennes ou des cheminées d’époque, que nous avons pris soin de garder.


Comment décririez-vous le style de votre logis ?


Ce qui nous plait c’est jouer les contrastes à tous les niveaux ; nous nous soucions très peu des tendances. Notre intérieur est un résultat de rencontres, de voyages, de coups de coeur…d’erreurs aussi ! Ce qui est passionnant c’est de trouver un lien, une sorte de fil rouge entre tous ces univers, très différents les uns des autres ; des meubles et des objets achetés au gré de nos voyages, chinés dans les brocantes de rue, des pièces phares du design du XXe , des meubles de famille d’un style très classique, des peintures abstraites, de l’art ancien, des oeuvres contemporaines, des dessins de nos enfants, de la photo, des sculptures. Un grand métissage imaginé et construit comme une sorte de prolongement de nous-mêmes, d’origine et de culture très variées.


Un objet ou un meuble auquel vous tenez particulièrement ? Pourquoi ?


Chaque objet a sa raison d’être, son histoire, son vécu. Mais, si il fallait en choisir un, sans aucun doute la peinture sombre et magnifique de Steven Parrino, un artiste contemporain côtoyé pendant notre séjour à NY. Cette toile faisait partie d’un ensemble de peintures exposées au Swiss Institute où je travaillais. Au moment où il a fallu décrocher ces toiles, Steven m’a offert un bout de toile, que j’ai ramenée chez moi, ravie. Quelques mois plus tard, je suis allée lui rendre visite à GreenPoint, pour qu’il signe la toile, histoire de “marquer” notre rencontre. C’était sans savoir qu’il décéderait peu de temps après.

Luc apprécie spécialement deux portraits noir-blanc du photographe malien Malick Sidibé, Une jeune femme et un jeune homme, debout, le regard fier. A nouveau, un mélange, entre la tradition des portraits posés dans un studio typiquement africain et l’étonnante fraîcheur des attitudes très personnelles et uniques.

Carmen, tu as un vrai talent pour la décoration ; comment l’as-tu découvert ?


Très jeune, j’ai commencé à aimer la mode, les vêtements, les formes et les motifs les plus insolites. Il y a quelques années, j’ai réalisé que mon amour pour la mode m’avait amené tout naturellement à cette passion pour la déco, car les deux univers partagent les mêmes “matières premières”: le tissus, la forme, la matière, la couleur. En voyageant à travers le monde, j’ai commencé à collectionner les textiles des pays que je visitais. Aujourd’hui j’ai une jolie petite collection de tissus indiens, africains, balinais et japonais que j’utilise parfois pour décorer lits, banquettes et canapés…Dans ma façon de m’habiller, le mélange des styles est un exercice qui m’a toujours inspiré et amusé. Pour la décoration de notre appartement, j’ai repris le même principe ; aménager, décorer, repenser l’allure d’un espace c’est aussi un peu l’habiller, non?


Luc, est-ce que tu participes à la décoration ?


Oui, bien que de façon bien moins active que Carmen. Mais quand j’ai un coup de coeur, je n’hésite pas à ramener un objet, une photo, un dessin, un tableau, un livre photo qui rejoint notre collection. Dans ma famille, nous avions souvent l’habitude de réaménager nos intérieurs afin de garder un regard neuf sur les oeuvres et les meubles.


Luc, en général c’est toi qui fais la cuisine ; qu’est-ce que tu aimes préparer?


J’adore cuisiner et je le fais avec grand plaisir. Mes préférences vont aux saveurs des plats italiens et asiatiques. Je ne suis pas les recettes à la lettre car on aime faire des variations, en ajoutant à chaque fois que l’occasion se présente, des ingrédients que l’on a sous la main.

Carmen, est-ce que tu aimes changer la déco ?


La déco ici change au gré des saisons. En hiver, les imprimés sont plus discrets, les matières plus chaudes. J’adapte, par exemple, les housses de coussins sur les canapés. Pour pallier au manque de lumière en hiver, les murs sont habillés de guirlandes lumineuses dans quasiment toutes les pièces. Puis, dès le début du printemps, c’est l’éclat des couleurs et des matières. Et pour égayer le tout, des fleurs et des plantes de saison à profusion, à l’intérieur, comme à l’extérieur. Je change la disposition des meubles, des tableaux assez régulièrement…avec la “bénédiction” de mon mari et de mes enfants, qui ont fini par s’habituer ! Parfois, il suffit de peu pour créer une atmosphère tout à fait différente. Et, étonnamment, notre appartement se prête merveilleusement à ces petits exercices de transformation!


Parlez-nous de la façon dont vous profitez du balcon en été


A la belle saison, le balcon devient une extension naturelle de notre appartement. On y mange, on y travaille, on y fait la sieste, on y fait la fête…il faut dire que le cadre est idéal ! La fraîcheur du Rhône, les oiseaux qui survolent le parc, la vue plongeante sur la ville…et puis, ici tout le monde adore jardiner, donc c’est un coin de maison que nous chérissons tout particulièrement.


Luc, raconte-nous l’histoire du petit livre avec le dessin d’Ella Maillart?


Ma grand-mère paternelle était une amie et camarade de classe d’Ella Maillart, devenue la grande voyageuse et écrivaine que tout le monde connait. Ce carnet, je l’ai hérité de mon père. Récemment, nous l’avons retrouvé un peu par hasard, au gré de nos fouilles dans nos bibliothèques. C’était un carnet souvenir que les camarades de classe se passaient pour y laisser une trace de leur amitié. Au milieu de dessins, certes magnifiques mais très classiques pour l’époque, celui d’Ella fait figure d’exception : une femme nue, debout dans un lac, son corps entouré d’algues et d’un serpent. Un dessin d’une grande puissance, féministe, érotique et libertaire.


Parlez-nous de vos destinations préférées et de l’importance que les objets ramenés de ces pays a pris dans votre intérieur ?


l’Italie, sans doute… mais aussi New York, Los Angeles, l’Inde, Bali, le Laos, le Niger, le Maroc, le Japon, …avant de fonder une famille, nous avons beaucoup voyagé. De partout, nous avons ramené une grande quantité de photos en N/B, que nous avions l’habitude de développer dans notre labo photo au retour de voyage. Et puis, il y a tous ces objets, plus ou moins encombrants, que nous avons ramenés d’un peu partout: une cage à poules balinaise, un cage à oiseaux thaïe, des peintures en miniatures, des saris et des tissus d’Inde, des tabourets et des enseignes peintes à la main du Niger, des petits bouddhas en bois du Laos, des kimonos, des bijoux vintage, et toutes sortes de gadgets du Japon…notre maison est un joyeux bazar du monde !


Un mot sur les tableaux des artistes suisses ?


Il y a une dizaine d’années, nous avons commencé à nous intéresser au travail de nos amis et très vite, on y a pris goût ! La plupart des tableaux, photos et sculptures collectionnés au fil des ans ont été réalisés par des amis artistes ou des personnes rencontrées lors d’une exposition ou d’un voyage. Nous aimons l’idée d’être entourés d’oeuvres d’art de personnes qui nous sont, ou qui ont été, proches. Sans trop y réfléchir, on s’est rendu compte qu’après quelques années, nous avions assemblé une belle collection. Chez nous, l’achat d’art se fait toujours sur un coup de cœur, ou un coup de tête.

English

Carmen and Luc live in a large, bright duplex. The Neighborhood of Saint Jean dominates the Rhône, the view over the Salève is splendid. I am greeted by their two daughters, Nina Lou and Zoe Paloma, beaming et smiling, just like their mom ! Luc is a film maker and producer, Carmen is studying interior architecture. At the moment she practices her great passion and talent at home and gives private decoration coaching to friends and family. The flat is finely and artistically embellished, a blend of danish and american design, with a strong touch of Asian influence ; vintage pieces and antiques brought back from China, Japan and India. They have a great art collection, sculptures and paintings, again a mix between modern, “coups de cœur”, art inherited from Luc’s parents, work from their artist friends, souvenirs…Lots of ideas, much emotion and sensitivity, flowers and plants in just about all rooms. The balcony is their little garden ; table, bench, aromatic herbs, a small paradise in the heart of the city. At lunch time it’s italian style : Carmen comes from the South, it’s a feast and we enjoy every minute of it !!

Carmen and Luc

When was the building built and how long have you lived here ?


The building was built beginning of the 20th century, I moved in when I arrived in Geneva about 15 years ago. Luc had been living there for a few years.


Tell us about the neighborhood, Saint Jean, and the advantages of living there ?


Saint Jean has changed a lot since we’ve been here. Young families moved in, followed by young couples. Then galleries opened up, art spaces linked to he Head (art school). For the past couple of years, they have installed wooden decks along the riverbanks of the Rhône river and people who never came to this part of the city now enjoy it too.


You did a lot of remodeling ; tell us about a few of the major transformation steps ?


Back form living in a loft space in Brooklyn New York, we really wanted to keep this lifestyle. When the opportunity arose to live in that flat we decided to eliminate a number of walls, to open us spaces and improve flow. Then we decided to mix up older and contemporary architectural elements as it fit the site. Doors and walls turned into light and openness. We have been careful to keep the character of the flat, original fire places and mouldings.


How would you describe the style of your home ?


We love to play up contrasts on all levels. We don’t care about trends. Our home is a result of travels, chance encounters, impulse purchases, also mistakes ! What’s fascinating is to find the link between all the styles, so different from one another ; furniture bought while traveling, hunted at secondhand stores and flea markets, paintings, antiques, sculptures, a cultural mix, sort of an extension of who we are.


Carmen, an object you particularly like or are attached to ?


Every object here has a reason to be here…it’s own history and experience. But if I had to choose one, it would be a painting, dark and beautiful from Steven Parrino, an american painter I met while living in NY. This painting was part of a show at the swiss institute where I worked. When the show came down, Steven gave me a piece of a painting, which, delighted, I brought home with me. Later I went back to ask him to sign it.


Luc what’s special to you ?


Two black and white portraits by photographer Malick Sidibé from Mali. A young woman and a young man standing, proudly looking at the photographer. A very personal and unique view.


Carmen, you have a real talent for interior decoration ; how did you discover you had that talent ?


When I was very young, I loved unusual and original fashion, clothes, shapes and patterns. A few years back i realized my passion for fashion had naturally evolved into a passion for decoration. Both universe share the same raw material : fabric, material, color. I began bringing back textiles from all countries I visited. Today, I have a nice collection of fabrics form india, Indonesia, Japan which I use too dress beds, armchairs, sofas. Because to lay out, decorate, think over a space is a bit like dressing it don’t you think ?

Luc, do you get involved in the decoration of the flat ?


Yes, even though I am not as involved as carmen. But when I see something I really like I don’t hesitate to bring back a souvenir, a photo, a drawing, a painting, a book to join our collection. In my family, we often moved things around in the house to keep a fresh eye over art and furniture.


Luc, generally, you’re the “chef” at home ; what do you like preparing ?


I love cooking and do it with great pleasure. My preferences go to italian and asian flavors. I don’t follow recipes closely ; i like to improvise and bring my own ideas and spices to various dishes.


Carmen, do you like changing and moving things around the apartment ?


Decoration changes and varies with the seasons. In the winter fabrics and colors are softer. I change and adapt to light. In the winter almost all rooms have lights hanging on the walls. In the spring I emphasize colors, flowers and plants, inside and outside. I move paintings and furniture around quite regularly, my husband and daughters have gotten used to it ! Surprisingly, our flat allows for such changes wonderfully.


Tell us how you make use of the balcony in the summer ?


In the summer months, the balcony turns into a natural extension of our apartment. We eat, work, sleep, party there. The surroundings are perfect ; the river, the park, the view over the city…and everyone loves to garden !


Luc, tell us about the book with Ella Maillart’s drawing ?


My grand-mother, on my father’s side, was Ella Maillart’s friend and classmate, Ella Maillart who became the great adventurer and writer everyone knows about. I inherited This note book from my father. Recently, while looking around our bookshelves we stumbled upon it. It’s a memory book classmates passed around to write and draw, leaving a trace, a souvenir of their friendship. Amongst the others, this beautiful but classical drawing stands out : a naked woman, in a lake, a snake wrapped around her body. Very powerful, erotic and feminist.


Tell us about your favorite travel destination and the importance objects, art or furniture you bring back from those places has in your interior ?


Italy of course, but also New York, Los Angeles, India, Bali, Laos, Nigeria, Marocco, Japan…before we had our daughters we traveled a lot. When traveling we shot a lot of back black and white photos which we developed in our own darkroom. Then there are all these objects, more or less large and cumbersome : a chicken cage from Bali, a bird cage from Thailand, tiny paintings, saris and fabrics from India, stools and signs from Nigeria, little Buddhas from Laos, kimonos, jewelry, gadgets from Japan…our home is a a happy world bazaar !


A word about the swiss artists ?


About 10 years ago, we took an interest in our friends work, then it turned into a passion ! Most paintings, photos, sculptures collected over the years are creations from friends or acquaintances made during our travels or people met at art shows We like the idea to be surrounded by art from people who are close to us. After a few years we realized we had built a strong collection. Art is always bought on an impulse.