Construit en 2010 par les architectes lausannois du bureau al30 architectes, le bâtiment contemporain de 8 logements en PPE est une extension et agrandissement d’une maison des années 30. Il se trouve en bordure du magnifique parc de Valency avec pour le côté sud la vue sur le lac et les toits de la ville et le côté nord la vue sur les arbres séculaires et la prairie. La bâtisse de 5 étages semble s’appuyer contre la charmante maison ancienne. L’ascenseur vitré qui mène aux résidences crée un joint entre l’ancien et le contemporain et permet d’admirer la vue sur le parc. Le projet aborde les thématiques de la densification de la zone urbaine et du maintien du patrimoine d’une façon contemporaine et actuelle. Karim Noureldin et sa femme Virginie y vivent depuis la construction, ils étaient parmi les premiers acheteurs. Virginie Lauwerier, d’origine francaise, est aujourd’ui directrice adjointe du Théâtre Sévelin 36. L’artiste Karim Noureldin, né à Zurich d’un père égyptien et d’une mère suisse a vécu dans de nombreux pays où il a perfectionné ses techniques en expérimentant divers mediums : photographie, installations, sculptures, avec toujours une prédilection pour le dessin de grandes dimensions et les peintures murales. Depuis 2002, il est également chargé de cours à l’ECAL.
Leurs filles Zélie et Yuna vont à l’école et à la garderie à proximité, toutes les commodités sont à portées de main dans ce quartier ouvrier qui se gentrifie lentement au fil des ans et du développement urbain, néanmoins il demeure un petit havre de paix au milieu de la ville. Leur appartement est conçu autour d’un noyau central, à l’intérieur duquel se lovent la cuisine et la salle de bain, un long couloir sépare les zones à vivre et les 2 chambres à coucher. Le mur du couloir d’entrée a été conçu et peint par Karim, on reconnaît aisément la patte très graphique de l’artiste et l’influence de ses nombreuses collaborations avec des architectes. «Pour le concept de cette peinture murale, j’ai construit ma propre histoire en parallèle à l’histoire du chantier de l’immeuble en recyclant des échantillons de peinture prélevés chez tous les autres propriétaires du bâtiment» explique Karim Noureldin. Dans un style résolument moderne, aucune porte ne sépare les pièces à vivre et les chambres à coucher, des panneaux coulissant peuvent glisser et privatiser ces dernières. Quand les panneaux sont ouverts l’espace de 100m2 prend des allures de loft. Le salon ouvre sur un coin terrasse où une table accueillante est bien abritée du vent et des intempéries par une toile. « Nous y mangeons et y passons du temps toute l’année si la météo le permet, les filles jouent sur le balcon, c’est un endroit paisible» disent-ils. La terrasse se trouve en prolongement des balcons qui entourent à presque 360° l’immeuble, prolongeant ainsi la vue sur le Parc de Valency et une partie du lac. Les lamelles de bois lasuré en teinte argentée des façades se retrouve sur la façade nord sous forme de pans qui coulissent et servent pour les chambres a coucher comme de persiennes pour la nuit. La décoration de leur appartement est sobre et définitivement vintage. «nous aimons nous entourer d’objets qui ont une histoire et nous rappellent un endroit, un instant, un voyage…nous n’avons jamais accumulé les objets et les meubles d’un seul coup mais au fil des années, décrit Virginie. Nous aimons particulièrement les années 50 et 60 de la periode «Mid century design», et qui sont par leur conception et leur qualité comme des sculptures d’art». Ils apprécient tout particulièrement le design suisse de cette époque et entretiennent une certaine fascination pour les tissus que l’on retrouve partout sous la forme de couvre-lits, plaids et tapis. Quant à l’atelier de Karim Noureldin, qui se trouve proche du site de l’EPFL, il s’agit d’une ancienne garderie d’enfants, construite en 1971 et reconvertie depuis en atelier d’artiste. Un espace très aéré avec une hauteur de plafond exceptionnelle de presque 6 mètres. C’est selon l’artiste l’espace parfait pour y développer ses projets. Un grand couloir avec accès direct à la terrasse équipée de nombreux pots de fleurs produit par Eternit, mène ensuite dans une grande salle de travail et un espace de stockage pour les œuvres de Karim. Ici, comme dans leur appartement, les œuvres d’art se mélent à une collection d’objets de l’histoire du design, tapis et tissus, combinant un lieu de production d’art contemporain avec des autres objets du monde de la création.
Karim et Virginie
Comment avez-vous trouvé cet appartement ?
Par hasard. Nous vivions déjà dans le quartier depuis des années et avons vu le chantier. Rapidement nous avons constaté qu’ils s’agissait d’une architecture de qualité et contemporaine. Nous avons tout de suite été intéressés.
Quelle partie des travaux avez-vous contrôlé ?
Conçu par al30 architectes, le concept d’un espace avec noyau central, autour duquel se trouvent les chambres côté parc et le salon côté lac, divisés par des portes coulissantes et entouré d’une grande terrasse, était déjà réussi. Nous avons donc essayé de conserver les intentions des architectes et nous avons juste demandé de petites adaptions : un sol en résine industrielle en couleur vanille, aucune plinthe visible entre le sol et les murs, la suppression de quelques éléments dans la cuisine, l‘agrandissement du vestiaire et un concept de couleurs très réduit, voir minimal.
Comment approchez-vous la décoration de votre propre intérieur et comment la décririez-vous ?
En anglais, il existe l’expression «peace of mind». Cela nous correspond !
Quels sont vos matériaux favoris ?
Virginie: bois et béton. Karim : béton et bois…et toutes formes des textiles.
Etes-vous des acheteurs compulsifs ou réfléchis quand il s’agit d’achats de design ou d’art ?
Probablement jamais compulsifs et souvent réfléchis. Après 5 ans, nous avons finalement trouvé la table basse qui va parfaitement dans le salon…mais une fois convaincus, l’achat se fait très rapidement. En effet, on achète seulement si on peut remplacer quelque chose d’autre dans l’espace. L’espace peut donc changer de manière évolutive mais on n’ajoute plus d’éléments, on les remplace plutôt. On n’aime pas stocker ni accumuler. Dans la domaine de l’art, nous n’avons jamais acheté une œuvre. Ce sont les propres œuvres de Karim qui sont aux murs, à une exception près, celle d’un petit dessin de la période des collages de Henri Matisse, installé dans la chambre des filles, trouvé il y a longtemps à Bâle chez un brocanteur.
L’objet qui selon vous illustre le mieux notre époque ?
Difficile à dire, le dernier siècle a fait des progrès comme jamais et de manière si rapide dans le domaine technologique. Au niveau des transports, l’avion et la voiture. Dans la communication le téléphone et internet. Dans l’humanité, les médicaments. Et dans l’artistique…Anne Teresa De Keersmaker pour la danse et John Coltrane pour la musique.
Karim: Quelle est ta démarche créative quand tu démarres un projet ?
Je travaille souvent plusieurs projets en parallèle, un se termine pendant qu’un autre démarre. Mais c’est toujours le même processus : des esquisses libre d’esprit et étalées sur des jours, si possible des semaines. Puis une sélection rigoureuse et je commence. Parfois le processus est ensuite linéaire et amène vite à un résultat qui me convient, parfois c’est une vrai bataille. Et parfois, j’abandonne et je recommence à nouveau ou je fais des allers-retours
Où puises-tu ton inspiration ?
Un peu dans tout. Beaucoup des arts appliqués, de l’architecture moderne et ancienne, des objets éthnographiques ou simplement des phénomènes naturels. Et mon propre œuvre déjà réalisé, comme une recherche perpétuelle.
Quels sont tes artistes, designers et architectes favoris ?
Il y en a beaucoup…Au fil des années quelques uns deviennent moins importants, d’autres restent comme des références. Des artistes comme Sophie Täuber-Arp, Sonja Delaunay, Frank Stella, Donald Judd, Marcia Hafif, Blinky Palermo ou Olivier Mosset mais aussi Franz Ackermann ou Dan Walsh.
Chez les designers Charles & Ray Eames, Charlotte Perrriand, Vico Magistretto ou Willy Guhl, mais aussi Jasper Morrison, Inga Sempé, Ronan et Erwan Bouroullec, Jörg Boner ou Adrien Rovero.
Et parmi des architectes Alvar Aalto, Rudolf Schindler, Richard Neutra, Louis Khan, Andrew Geller mais aussi Herzog&deMeuron, Buchner Bründler, Christ& Gantenbein, Müller Sigrist, Raphaël Nussbaumer ou Bunq.
Que représente ton atelier dans ton quotidien et pour ton travail ?
Il représente tout pour moi et après quelques jours d’absence, tous ce que je veux c’est rentrer et passer du temps dans cet espace. Au fil des années, j’ai eu beaucoup d’ateliers, grands et petits, séparés de mon appartement ou de style loft en vivant et travaillant dans un même espace. L’espace actuel, construit en 1971 a de très hauts plafonds et est baigné de lumière, j’ai donc l’intention de rester encore longtemps. D’origine, c’était une garderie pour enfants. Lors de la première visite, je me suis dit qu’il y avait sûrement encore une bonne énergie dans ces murs. Donc parfait pour la création.
Ton dernier projet ?
Le grand dessin que j’ai fini hier et le concept d’un sol en cuivre pour une maison particulière à Bâle.
Une couleur ?
Je ne pense jamais à une seule couleur mais souvent à une combinaison de deux couleurs. Rouge/bleu, Bleu/jaune, Brun/bleu-ciel, Jaune/vert foncé, par exemple. A quelques exceptions près, toutes mes œuvres basées sur de la couleur utilisent une combinaison d’uniquement deux ou trois couleurs.
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